chroniquesdurien

Friday, December 03, 2004

Le chagrin et la pitié

Le respectable Lancet a estimé que pas moins de 100.000 Irakiens sont morts depuis le début des opérations militaires en mars 2003. L'assaut contre Fallujah a provoqué l'exode de 200.000 personnes qui n'ont aucune raison de revenir dans une ville réduite en cendres et la mort non recensée de milliers de civils qu'on va s'empresser d'enfouir à coup de bulldozers dans les décombres de leurs maisons comme des gravats, le fameux Abu Musab el-Zarqaoui est introuvable comme son compère le dénommé Oussama Ben Laden. Certains se demandent si ces deux hommes ne seraient pas d'ores et déjà morts depuis un certain temps mais qu'il est commode pour quelques Frankenstein de les maintenir en "vie médiatique". Ils sont tellement commodes, ces deux-là ! La guerre d'Afghanistan avait pour objectif de "ramener Ben Laden devant la justice" et d'en finir avec le régime des Taliban. L'assaut contre Fallujah avait pour objectif de capturer Abu-Musab el-Zarqaoui. Force est de constater que l'un et l'autre sont encore dans la nature si tant est qu'ils soient encore de ce monde.

Tout ceci se déroule dans l'indifférence générale de la majorité des citoyens de cette grande démocratie, citoyens au nom desquels toutes ces atrocités sont commises. Ils ne veulent pas voir. Ils ne veulent pas savoir. Et la plus grande puissance militaire du monde, que seuls ces citoyens auraient pu contrôler, cette puissance-là, donc, se trouve débridée et ivre d'elle-même.

Wednesday, December 01, 2004

On ne met pas des pataugas avec une veste de tweed !

Fin février-début mars 1957. Un homme, les poignets entravés de menottes et les chevilles enchaînées, descend une ruelle en pente, encadrés de deux parachutistes français. Il est habillé en costume de ville, une veste de tweed peut-être. Et de curieux pataugas qui détonaient avec le reste. La veste du politique et les pataugas du combattant ? L'homme fixe la caméra qu'il a dû repérer de loin. Il sourit. Il devise avec ses gardiens. L'un d'eux sourit également comme si l'homme enchaîné lui avait dit quelque chose d'agréable ou de drôle. Le prisonnier marque un temps d'arrêt devant le portail ajouré du pavillon, sans doute à l'invitation du cameraman, il sourit encore et prend la pose. Il entre dans le pavillon toujours escorté de ses deux parachutistes. Le prisonnier s'appellait Larbi Ben M'Hidi. Le 4 mars 1957, un communiqué officiel des autorités militaires algéroises annonce qu'il s'est suicidé dans sa cellule. En réalité, après des jours d'interrogatoires interminables et de tortures affreuses, il fut pendu par l'alors Commandant Aussaresses, dit Commandant O.
Que sont devenus les deux parachutistes ? Le petit aux oreilles décollées et au nez pointu, l'air chafouin ? Le grand au menton carré et au crâne à moitié rasé ? Comment ont ils vécu ces courts instants où ils ont escorté leur prisonnier vers la mort ? Que leur a-t-il dit ? Les a-t-il absous d'avance du crime à venir ? Leur a-t-il dit que quoi qu'il lui arrivât, eux, perdraient la guerre et leur âme ?
Où sont-ils ? Comment s'appellent-ils ? Comment dorment-ils ? Comment vieillissent-ils 47 ans après ? Pensent-ils parfois à ces courts instants où ils ont côtoyé un HOMME ?