chroniquesdurien

Wednesday, December 01, 2004

On ne met pas des pataugas avec une veste de tweed !

Fin février-début mars 1957. Un homme, les poignets entravés de menottes et les chevilles enchaînées, descend une ruelle en pente, encadrés de deux parachutistes français. Il est habillé en costume de ville, une veste de tweed peut-être. Et de curieux pataugas qui détonaient avec le reste. La veste du politique et les pataugas du combattant ? L'homme fixe la caméra qu'il a dû repérer de loin. Il sourit. Il devise avec ses gardiens. L'un d'eux sourit également comme si l'homme enchaîné lui avait dit quelque chose d'agréable ou de drôle. Le prisonnier marque un temps d'arrêt devant le portail ajouré du pavillon, sans doute à l'invitation du cameraman, il sourit encore et prend la pose. Il entre dans le pavillon toujours escorté de ses deux parachutistes. Le prisonnier s'appellait Larbi Ben M'Hidi. Le 4 mars 1957, un communiqué officiel des autorités militaires algéroises annonce qu'il s'est suicidé dans sa cellule. En réalité, après des jours d'interrogatoires interminables et de tortures affreuses, il fut pendu par l'alors Commandant Aussaresses, dit Commandant O.
Que sont devenus les deux parachutistes ? Le petit aux oreilles décollées et au nez pointu, l'air chafouin ? Le grand au menton carré et au crâne à moitié rasé ? Comment ont ils vécu ces courts instants où ils ont escorté leur prisonnier vers la mort ? Que leur a-t-il dit ? Les a-t-il absous d'avance du crime à venir ? Leur a-t-il dit que quoi qu'il lui arrivât, eux, perdraient la guerre et leur âme ?
Où sont-ils ? Comment s'appellent-ils ? Comment dorment-ils ? Comment vieillissent-ils 47 ans après ? Pensent-ils parfois à ces courts instants où ils ont côtoyé un HOMME ?

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